Lili Sohn est auteure de bandes dessinées. À 37 ans, elle est maman de deux garçons âgés de 3 ans et demi et 1 mois, les nuits sont courtes…
A quel âge avez-vous découvert votre cancer du sein ?
À l’âge de 29 ans, j’ai découvert un matin le bout de mon téton comme “rentré”...je suis allée consulter. Lors de la réception des résultats, on m’annonce que j’ai une tumeur de la taille d’une balle de ping-pong au milieu du sein, ce qui m’empêche de la sentir...il s’agit d’un cancer.
J’ai fait un dépistage génétique qui m’a appris que j’étais porteuse d’un “gène de prédisposition” et qu’il venait du côté de ma mère. En effet, ma grand-mère a combattu deux cancers du sein, mais comme elle se consacrait entièrement à son travail, personne n’avait vraiment eu conscience de sa maladie.
Les médecins ont-ils sous-estimé la maladie ?
Mon médecin n’était pas inquiet du fait de mon âge, il m’a tout de même prescrit une échographie du sein par précaution. Moi-même je l’ai sous-estimé car je ne pensais pas qu’il était possible d’avoir un cancer aussi jeune et j’avais peu d’informations sur ce sujet, à part la perte de cheveux lors des traitements.
Vous êtes-vous sentie accompagnée et soutenue ?
Expatriée à Montréal à ce moment-là, je me suis sentie entourée par mes amis. Côté famille, l’annonce de la maladie a été assez compliquée, il a fallu gérer leurs émotions et les rassurer. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée d’ouvrir un blog sur le thème de la maladie, avec un ton humoristique autour d’illustrations, pour raconter mon parcours et rassurer mes proches.
Justement, qu’est-ce que vous a apporté l'ouverture de ce blog ?
D’abord, le fait d’avoir un statut de créatrice m’a permis de m’occuper et de me consacrer à quelque chose. Il y a eu aussi un côté thérapeutique, car les médecins me donnaient beaucoup d'informations que je pouvais assimiler, retranscrire en dessins et mieux accepter.
Par la suite j’ai été contactée par plusieurs maisons d’édition et j'ai sorti trois bandes dessinées "La Guerre Des Tétons". J’ai donc changé de métier pour vivre de ma passion.
Depuis, j’ai sorti d’autres bandes dessinées en lien avec le corps de la femme et je fais beaucoup de vulgarisation scientifique pour parler de la maladie de manière décontractée. Je collabore avec des chercheurs, l’institut Curie et des associations, car c’est un sujet qui a besoin d’être plus visible. J’ai aussi ouvert mon esprit sur d’autres sujets, comme le féminisme, les inégalités homme/femme, le rapport avec la médecine et les violences gynécologiques.
Aujourd’hui, je suis contente d’être en vie, côtoyer la mort m’a permis de me désinhiber, de me lancer dans mon métier de rêve et de pouvoir en vivre.
Un message à faire passer ?
Il ne faut pas se forcer à être positif mais vivre comme on peut. Je n’oublie pas vraiment la maladie, notamment avec les cicatrices et le fait d’avoir des enfants, ce qui ajoute une peur supplémentaire. Mais la vie c’est un peu comme les montagnes russes.
Mélanie Loule est marseillaise depuis plus de 20 ans ! À 43 ans, elle est maman de deux filles, Lila 15 ans et Thaïs 18 ans. Elle a créé sa marque d’illustrations Minimel.
A quel âge avez-vous découvert votre cancer du sein ?
Le soir de mes 34 ans, en allant me coucher, je sens une boule dans mon sein de la taille d’une cerise. À l’annonce du diagnostic, je tombe des nues ! Je suis porteuse du gène BRCA1, le même qu’Angelina Jolie ! Il représente un risque plus élevé de cancer des deux seins et des ovaires. Après les traitements, j’ai eu un suivi régulier, tous les six mois puis une fois par an. Mais six ans après le premier, les médecins ont découvert un cancer dans l’autre sein.
Les médecins ont-ils sous-estimé la maladie ?
C’est une amie qui m'a obligé à voir un médecin, moi je n’étais pas inquiète. Ma gynécologue a insisté sur le fait que personne n’avait de cancer à 30 ans mais pour éliminer tout soupçon, elle m’a prescrit une mammographie et une échographie. La radiologue m'a également rassurée mais le verdict est tombé suite aux examens...
Vous-êtes-vous sentie accompagnée et soutenue ?
Je me suis sentie très entourée par ma famille et mes amis. À mon premier cancer, j’ai reçu beaucoup de cadeaux, dont un Ipad qui m’a permis de me remettre au dessin sur tablette et c’est comme ça que j’ai commencé à m’occuper et créer ma marque de papeterie "Minimel".
Qu’est-ce que la maladie t’a apporté ?
Je ressentais le besoin d’échanger sur la maladie, mais je trouvais peu de témoignages à part ceux de femmes de 60 ans et plus. J’ai donc commencé à en parler sur internet. Petit à petit j’ai eu des retours et des témoignages de femmes touchées par le cancer du sein, de tous les âges...certaines avaient 20 ans. Et nous avons commencé à échanger sans tabou et sans malaise.
La maladie m’a fait comprendre que j’aimais la femme que j’étais et que “je tenais à moi”. C’est ce qui m’a poussé à chercher ce qui pouvait me rendre heureuse et de me créer la vie dont je rêvais.
Un message à faire passer ?
Il est important de parler du cancer du sein et de mettre en lumière le témoignage de femmes touchées par cette maladie. Le cancer touche beaucoup de personnes mais c’est une maladie qui se guérit bien, s'il est pris en charge à temps.
Julie Meunier est une jeune femme pétillante de 34 ans. Elle vit entre Toulon et Nice, elle est la fondatrice de la marque "Les Franjynes" et auteure du livre "À mes sœurs de combat".
A quel âge avez-vous découvert votre cancer du sein ?
Il y a 6 ans, mon médecin a senti un kyste dans mon sein et m'a conseillé une crème aux hormones. Je n'y prête pas attention mais, trois semaines plus tard, je sens une boule rouler sous la baleine de mon soutien-gorge. Je retourne chez le médecin qui me prescrit une échographie et une mammographie. Après une suite d’examens et une longue attente, on me diagnostique un cancer du sein à 27 ans. Mon type de cancer était à l’étude en France, on m’a donc proposé un essai clinique qui fut très long et lourd...18 mois, 24 chimiothérapies, 2 opérations, 45 séances de radiothérapie et 5 ans d’hormonothérapie.
Les médecins ont-ils sous-estimé la maladie ?
Oui car mon médecin n’était pas inquiet. Le centre de dépistage ne voulait pas me faire passer de mammographie au début car j’étais jeune et qu’il n’y avait pas d’antécédents dans ma famille.
Vous-êtes-vous sentie accompagnée et soutenue ?
Pendant le traitement, j’ai eu beaucoup de soutien et de bienveillance de la part de l’équipe médicale.
Au niveau de l’entourage, c’était plus compliqué...le cancer fait peur et entraîne des réactions étranges et des préjugés. J’ai eu droit à des réflexions par rapport à mes tatouages. Mais il y a aussi du positif, les personnes qui m'ont accompagné pendant tout le processus, certaines...insoupçonnées.
Qu’est-ce que la maladie t’a apporté ?
Mon cancer m’a donné envie de trouver une autre option que les perruques traditionnelles. Les Franjynes est une alternative à la perruque pour les femmes, petites filles et les hommes suite à une alopécie, c'est-à-dire, une perte de cheveux liée à une maladie ou une brûlure. Ce projet a été financé par crowdfunding avec plus de 1 000 contributeurs ! L’aventure était lancée !
J’ai également récolté de nombreux témoignages de personnes malades et j’ai décidé de libérer la parole dans mon livre "À mes sœurs de combat". Je parle des non-dits dans la maladie, les difficultés qu’elle peut entraîner même après la guérison, les stigmates que l’on garde, mais aussi les douleurs physiques et mentales.
Aujourd'hui je me rends compte que ce protocole “valait le coup” et que je me sens enfin bien après ces longues années. La chimiothérapie, je l’ai prise comme ma meilleure amie car elle m’a amené jusqu’à la guérison malgré de lourdes conséquences.
Un message à faire passer ?
Dans la maladie, le courage n’existe pas, c’est l'instinct de survie qui prend le dessus. Il est en chacun de nous et nous aide à affronter les lourdes épreuves. Et je reprends la phrase de Philippe Croizon, ”l’impossible n’existe pas, parce que dans impossible, il y a possible”.
Caroline est une jeune femme de 32 ans pleine d’humour qui a monté l’association "Le Gang des Crânes Rasés" ! Depuis un an, elle crée des vidéos sur le thème du cancer du sein avec humour sur les réseaux sociaux.
A quel âge avez-vous découvert votre cancer du sein ?
Pendant le confinement du mois de mars 2020, je me rends compte que mes seins sont gonflés. J’attends juin pour voir ma gynécologue qui me prescrit une échographie et une mammographie. Voyant que mes seins ne dégonflent toujours pas, je décide de faire ces examens en septembre. Très vite, les médecins évoquent l’éventualité d’un cancer et m'invitent à faire une ponction. Après plus d'une semaine d'attente, le 22 septembre 2020, on m’annonce un cancer du sein et en novembre les traitements commencent. En avril 2021, les chimios se terminent, on me parle de l’opération et cela me fait très peur. En mai, je me fais opérer, avec une ablation totale et reconstruction immédiate de mon sein.
Les médecins ont-ils sous-estimé la maladie ?
Non car les médecins savaient que j’avais perdu mes deux parents d’un cancer et ont pris mon cas au sérieux. C'est plutôt moi qui ait repoussé les examens, car je voulais profiter de mon été après le confinement.
Vous-êtes-vous sentie accompagnée et soutenue ?
Il y a un manque d’écoute de la part des médecins. Ils ne prennent pas le temps de nous expliquer les conséquences de notre maladie et ne nous préparent pas à l'éventualité de perdre un sein. De plus, la Covid a compliqué les choses et a retardé mon opération.
Du côté de mon entourage, mes amis me soutiennent énormément, notamment une, qui a eu les bons mots suite à l’annonce de mon cancer. Mais c’est surtout mon copain, le réel pilier, c’est le seul qui partage mon quotidien. Pour moi, la clé c’est de s'entourer de personnes positives et à l’écoute, qui vous tirent vers le haut.
Qu’est-ce que la maladie t’a apporté ?
Mon éducation a été basée sur l’humour et le positif, c’est pour cela que j’ai commencé à me moquer de ma tête et à partager des blagues sur les réseaux sociaux.
L’association du Gang des Crânes rasés est née à la suite d’une vidéo où je me baladais dans la rue avec mon crâne rasé pour m’accepter et me confronter au regard des gens.
J’interview des personnes dans la rue, pour savoir ce qu’ils pensent de ma tête sans cheveux et réitère l’expérience en chimio. J’ai été surprise de la bienveillance des gens qui m'ont poussé à continuer. J’ai alors décidé d’organiser des défilés, partout en France où les perruques seraient jetées à la fin, et j’en parle à Amandine et Justine qui ont voulu me suivre dans ce projet. Le but est que les femmes malades d’un cancer entraînant la perte des cheveux se sentent belles ! Mais le but est aussi de faire de la prévention sur le cancer du sein qui touche aussi avant 40 ans.
Cela me procure beaucoup de bien et me permet de parler de la maladie. Je prends aussi des cours de stand up, où je parle du cancer du sein avec humour.
Un message à faire passer ?
Les personnes atteintes d’un cancer doivent se renseigner et s’intéresser à leur cas. Il est important de prendre toujours deux avis de médecins. Et surtout de faire attention à son ressenti, car ce ne sont pas les médecins qui ressentent les effets.